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mutagène

Des stratègies politiques,
philosophiques, artistiques
pour faire un sort au sens commun.

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Hector et Victor, siamois intermittents,
peuvent lorsqu’ils le désirent
se rejoindre dans un bio-cablage intégral
et former un individu Vector unique à conscience unique,
jusqu’à ce qu’il se sente bien d’être deux à nouveau.
Ni lui, ni eux, ni personne ne se souvient
combien il-s étai-en-t au commencement,
mais aucun n’en est vraiment chiffonné,
par contre ce qui l’intéresse un peu plus
c’est de savoir si un jour
ils pourraient devenir un peu plus…

 

Quelques petits textes
en vrac
en attendant mieux


...car en Construction...

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Fantasmagories

Notre époque voit les technologies du vivant ouvrir des perspectives absolument ahurissantes vers le devenir possible de l’humanité et de tout ce que cette humanité voudra bien emporter dans son sillage. Nous pouvons maintenant très bien imaginer que, dans un futur relativement proche, les mécanismes établis de l’évolution biologique dite "naturelle" soient sérieusement concurrencés par l’ingénierie génétique.
Tout devient alors imaginable et certains projets envisagent déjà une continuité à l’espèce humaine au-delà de notre biosphère dans des environnements où notre forme mammifère actuelle serait totalement inadaptée. Il est question de créer de toutes pièces de nouvelles formes, de nouvelles fonctions, qui permettraient aux descendants des êtres vivants contemporains de survivre à leur planète. Ces nouvelles complexions biologique pensante barboteront comme des poissons dans l’eau dans l’espace intersidéral ou dans des environnements encore plus saugrenus.
Pour ce faire, les cocktails les plus ébouriffants sont envisagés, à tel point qu’il en devient assez étrange de s’obstiner à parler de "continuité de l’espèce humaine".
Formes de crêpes, de sphères tentaculaires, de nuages de filaments multicolores, de briques molles polyvalentes, d’amas d’organes et de membres étoilés équipés d’une multitude d’options plus ou moins indispensables, de la photosynthèse aux branchies, la nyctalopie ou les papilles gustatives sur la totalité de la surface du corps… Le tout emprunté à une diversité vivante ayant déjà fait ses preuves, mais encore et surtout de l’inédit pour des situations inédites. Il s’agit de faire dans l’ensemble autre chose que tout ce qui a existé jusque-là. La donne est complètement chamboulée, les procédures révolutionnées, on peut alors parler d'une "néo-évolution".
Ce qui est particulièrement fascinant dans cette histoire c’est que, dans une perspective athée, l’évolution était à considérer jusque-là comme une dynamique vide de toute intention et que  maintenant cette néo-évolution introduit l’intention dans les processus évolutifs. Nous quittons l’évolution contingente pour un monde de projets et pour dire ça tout simplement : ce n’est pas rien. En plus pompeux on peut aussi dire : "non mais vous arrivez à prendre la mesure du séisme métaphysique que cela implique ?". Les esprits exaltés les plus paresseusement conformiste diront que les êtres humains deviennent des dieux et les autres apprendront l’art du surf. 

 

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greffe

Pierre va peut-être réaliser un vieux rêve en se faisant cloner, pour qu’une fois le clone reprogrammé et totalement reconfiguré, il puisse se faire greffer comme petit orteil au pied de sa star de la chanson favorite. La star à accepté l’idée mais à condition que le clone orteillomorphe soit muet. La totalité de l’opération sera télédiffusée au jour le jour en prime time. Reste le problème des interviews de l’orteil muet.

 

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La culture de cellules
va changer votre vie

Vous ne vous nourrissez déjà plus que de votre propre viande cultivée en bioréacteur. Bientôt vous pourrez entièrement vous vêtir de création en tissus cultivées à partir de cellules de votre peaux. En contrôlant la production de mélanine nous pouvons vous proposer toute une gamme de colories différents. Vêtement d’été de fines peaux aux pores dilatés, vêtement d’hivers bien en chair, des chaussures à la corne souple mais résistante…
Une garde-robe quasiment inusable, autorégénérative, pour vous sentir bien dans votre peau.

 

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Devenez fleur.



Un jour peut-être Ikebana.


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Home sweet home

Le meilleur habitat pour se sentir vraiment chez soi.
La structure solide de votre maison faite à partir de culture de vos propres cellules osseuses, des grands panneaux translucides en kératine laissent pénétrer une belle lumière diffuse dans votre salon, les grains de peaux les plus doux tapissent les murs de cette demeure si personnelle, entièrement meublée de votre chair et de vos os. Quel plaisir de pouvoir s’assoupir confortablement allongé sur un sofa à la peau de pêche gonflée de vos moelleux lipides. Un environnement de rêve, bien entendu parfaitement biocompatible avec votre organisme (finies les allergies en tout genre), qui se maintient été comme hivers à votre température idéale. Vous êtes ici chez vous de la cave au grenier jusqu’au bout des ongles et bientôt, soyez en sûr, vous parlerez de votre maison à la première personne du singulier.


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Pour une évolution ruisselante

En lisant des articles de vulgarisation sur l'évolution biologique, j'ai été frappé par la récurrence de termes belliqueux pour décrire les processus en œuvre. Une pareille lecture de l'histoire de la vie n'aide certainement pas à avoir un rapport serein au monde. Puisque les technologies du vivant et leurs idéologues jusqu'au-boutistes, les transhumanistes, veulent prendre la relève de la "Sélection Naturelle" ils adoptent du même coup le cynisme qu'ils prêtent à cette dernière.

Beaucoup de concepts scientifiques que l'on voudrait idéologiquement neutres et objectifs sont en fait chargés de toutes sortes de valeurs et d'imaginaires. Il est très compliqué de s'en débarrasser car bien souvent ces imaginaires et ces valeurs sont suggérés par les mots mêmes qui désignent les phénomènes que l'on voudrait décrire. Le simple fait d'utiliser ces mots orientera déjà un peu notre regard.
En particulier l'"Évolution" évoque un énorme jeu de massacre sans pitié dirigée par la "Sélection Naturelle". Dans l'idée de "sélection naturelle", on voit d'abord l'organisme évoluant comme soumit à une instance supérieure qui validera ou rejettera ses propositions. C'est un examen permanent où, dans le pire des cas de mauvais résultat, l'organisme candidat sera totalement supprimé. La "Sélection Naturelle" est l'autorité sans pitié qui ne gardera que les meilleurs éléments pour que l'entreprise soit compétitive. On voit clairement ici comment les mots sont chargés idéologiquement et induiront inconsciemment certaines conceptions de la vie. En l'occurrence, un cauchemar ultralibéraliste sauvage absolu.

Je pense qu'il y a des moyens de voir et de décrire le phénomène de l'évolution d'une façon moins belliqueuse. Ce qui nous aiderait peut-être à développer un rapport au monde moins destructeur.
Si l'on désire réfléchir sur "la vie comme elle va" il me semble que l'on ne peut pas faire l'économie d'une profonde réflexion sur les mots et sur les imaginaires qui leurs sont de près ou de loin rattaché, car  on ne peut pas agir sur le monde sans commencer par le décrire, le parler, le conceptualiser.

François Jacob, dans "Le Jeu des Possibles", parle pour l'évolution de "bricolage" dans le sens ou rien n'est prémédité, aucun plan n'a été établi par avance (comme pour le travail de l'ingénieur) et tout est créé à partir de ce qui était là avant. Mais cette image me gêne encore, car même si ce bricoleur se laisse porter par les opportunités, c'est toujours dans notre imagination l'image d'une conscience dirigeante (même à très court terme) qui s'impose. Et en fin de compte c'est encore la "Sélection Naturelle" qui validera ou rejettera sans états d'âme les propositions du bricoleur.

Ça pose encore problème de dire par exemple que le cours des choses est "indifférent" à notre sort, ça laisse un peu entendre que celui-ci a des préoccupations supérieures et que nous ne sommes que des moyens parmi d'autres pour atteindre un but qui nous dépasse.

On gagnerait bien sûr à décrire l'évolution autrement, associer un autre imaginaire à cette dynamique.
Une image me vient à l'esprit qui pourrait m'aider à ressentir le phénomène de l'évolution biologique autrement :
Le ruisseau, puis la rivière, puis le fleuve, avancent dans le sens où ça coule le mieux, là où il y aura le moins de résistances. Une succession d'obstacles, d'inclinaisons, de resserrements, d'infiltrations et autres évènements topographiques détermineront le dessin du parcours, le débit, l'étalement et la mer où ce cours d'eau prendra fin. Aucune guerre là-dedans, aucune tyrannie, juste de l'eau qui coule, dont la forme et le mouvement se modifient selon l'environnement et qui du même coup modifie aussi cet environnement. Voir l'évolution sous cet angle-là est infiniment plus apaisant, il me semble. Une évolution ruisselante.

Cette image pourrait être bien mieux développé et le même principe pourrait être appliqué à beaucoup d'autres choses. Je crois de plus en plus qu'on ne pensera jamais la politique intelligemment si l'on ne réfléchit pas d'abord à l'imaginaire, à la perception, aux grilles de lectures à plusieurs étages.
La culture est toujours en amont de la politique.

 

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